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au soir de la pensée

loi dite d’évolution, c’est-à-dire la séquence des différenciations successives, selon les directions des moindres résistances. Transformation de l’ambiance, transformation des organismes qui doivent s’y adapter.

Ce progrès est d’une hiérarchie d’adaptations organiques. Les moyens de préhension, de locomotion, vont s’achevant selon des dispositions nouvelles, toujours plus différenciées, et nos évolutions de sensibilité amènent des réactions sensorielles de plus en plus affinées, avec les associations mentales qui en sont la conséquence inévitable. Le monde se développe, disons-nous, en des achèvements de beautés subjectives, interprétations d’harmonies cosmiques aux passages desquelles accède notre émotivité. Les successions de nos formes d’entendement pourraient nous donner droit, quelque jour, à une paléontologie de l’intelligence. Nous n’aurions besoin, pour cela, que d’un temps qui ne nous sera peut-être pas accordé.

Commençons dès aujourd’hui en constatant qu’un primitif état d’obscure mentalité apparaît aux âges tertiaires où le dinosaurien, stupide, nous montre, en son crâne postérieur, un encéphale moins développé que la moelle épinière ; En somme, le monde vivant de nos jours n’est qu’une succession infrangible des développements du monde fossile dont nous sommes la manifestation continuée. Tous ces mondes divers ne sont qu’un, « comme un individu à ses différents âges »[1], dont les phases d’existence remontent aux plus anciens temps de la géologie, « alors que la vie ne s’était pas encore manifestée et que les enchaînements du monde inorganique préparaient ceux du monde vivant. »

Le moment est venu, en effet, de reconnaître qu’il y a, non pas deux lois différentes ou même contradictoires, l’une du monde minéral et l’autre du monde organique, mais de simples classements subjectifs des manifestations cosmiques en des successions de sensibilités. Nous découvrons le monde par les ressources de notre observation positive, et tel que nous le pouvons connaître, nous ne saurions faire autrement que de nous y insérer positivement selon les indications les plus claires de la paléontologie. Cette connaissance est de rapports, de rap-

  1. Albert Gaudry.