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Dont les caresses joviales
Font luire, à travers les pétales
Qu’il empourpre de tes clartés,

Cet Infini rose et limpide
Que les lèvres des voluptés
Déroulent sur ta joue humide.

Un aveu échappe au poète : l’ennui, la souffrance sont en lui ; n’importe, il subira la vie, calme et fier, avec sérénité.

La fin de la carrière approche ; le livre quatrième, dédie à Michelet, revient au sujet initial : les Dieux. Le jeune lutteur s’était égaré dans ces lemps où, demi voilé, Pan se montrait aux mortels ; mais la femme a suscité de neufs chants d’amour, et la Bible de l’humanité sera la clef mystique du poète renouvelé. Il se recueille, il a fini son oeuvre, dit-il : l’homme d’action, avide de prédominer, se révèle dans cette confidence. Il déclare encore ses rêves à l’aimée, son espérance en la prochaine victoire de la liberté, et, enfin, rassemble sa philosophie en ce poème : le Crépuscule des dieux, L’abandon, la vieillesse des églises, il les voit dans l’avenir, définitifs comme des ruines ; cet annonciateur démocratique prononce ;

Je contemplais ces morts, moi, seule âme vivante !


Mais un cri traverse le lourd silence : Pan est ressuscité ! Et devant l’aube du nouveau monde, Jésus paraît, et parle : Quand il vint, la nature pleura, dit-il. Même si ce fut possible, est-ce que la nature, est-ce que l’humanité n’a pas autre chose à faire qu’exister matériellement ? N’y avait-il pas l’idéal à faire dominer une fois sur le monde ? C’est ce qu’apporta Jésus à l’humanité, et ce don sublime prouve qu’il fut le plus sublime ami de la nature. Plus tard, oui, on abîma cela, au point qu’aujourd’hui il faut autre chose ; mais, alors, il le fallait ! Il s’écriait


          Ah ! malheur à tous ceux
Qui n’ont conçu pour Dieu qu’un amour paresseux ;
     À tous ceux dont la bouche impie,
Au lieu d’user sa lèvre à baiser les autels,
Voluptueusement goûte aux poisons mortels
     Et s’enivre de cette vie.


Oui, voici dix-neuf siècles, il fallait prononcer cette parole, opposer leur contraire aux passions, car les passions n’étaient plus dignes de ce nom. Nos vices sont des nains à côté des monstruosités antiques, mais si jamais renaissaient des monstruosités pareilles, souhaitons qu’un autre Christ renaisse aussi pour leur opposer le refuge d’un autel et le culte prépondérant de l’idéal. Si Jésus, qui fut bien l’Attendu de son temps, en dépit de l’erreur de quelques savants, maudissait les hommes de plaisirs, c’est qu’il ne s’agissait plus de plaisirs, mais d’abominables désordres.


Mères, femmes, soyez maudites à jamais !
Maudit soit votre cœur ! maudits soient vos attraits !
     Trois fois maudites vos mamelles !