Et les filles fleurs ! Parmi les filles fleurs les plus récentes, les plus filles et les plus fleurs, je classe le Ballet Russe.
j’avais pressenti qu’il convenait de chercher une excuse à mon enthousiasme pour ce Barnum, dernier scrupule avant le déménagement à la cloche de bois.
C’était en 1910. Nijinsky dansait le « Spectre de la Rose ». Au lieu d’assister au spectacle, j’allais l’attendre dans la coulisse. Là, c’était vraiment très bien. Après le baiser à la jeune fille, le spectre de la rose s’élance par la fenêtre… et retombe parmi des aides qui lui crachent de l’eau à la figure, et le bouchonnent avec des serviettes éponge, comme un boxeur. Que de grâce et de brutalité jointes ! J’entendrai toujours ce tonnerre d’applaudissements ; toujours je reverrai ce jeune homme barbouillé de fard, râlant, suant, comprimant d’une main son cœur, et se retenant de l’autre au décor, ou bien évanoui sur une chaise. Après, giflé, inondé, secoué, il rentrait en scène, saluait d’un sourire.
C’est dans cette pénombre, entre les projecteurs du clair de lune, que je rencontrai Stravinsky.
Stravinsky terminait alors « Pétrouchka ». Il me le racontait dans la salle de jeu de Monte-Carlo, étonnant ce monde que rien n’étonne par sa gesticulation, ses grimaces et ses bijoux de roi nègre.
« Pétrouchka » fut joué a Paris, le 13 juin 1911.