Page:Coeurderoy - 3 lettres au journal L'Homme.djvu/15

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Et vous croyez, par de semblables procédés, m’empêcher d’ouvrir ma droite pleine de scandales et ma bouche de fer ? Allons donc ! J’estime, en dépit des jésuites et de vous, que toute vérité est bonne à dire. Tenez, il me reste un peu plus de cent francs pour couvrir mon dénûment physique ; je préfère les employer à découvrir votre pauvreté morale. Je veux vous forcer dans le dernier de vos retranchements, celui du silence, où vous vous défendez si admirablement. Je n’ai peur que de la conspiration des sourds-et-muets volontaires. Partout où il y a du bruit, je me trouve bien. Car je ne redoute de puissance ni dans le ciel ni sur la terre. Et il y a toujours moyen de se délivrer de l’esclavage.

De bon compte, avouez cependant que vous avez été bien gauches avec moi. Votre plus majestueux orateur, quand il pouvait faire sonner sa voix retentissante sur un théâtre digne de lui, a dit bien des coups et bien des coups encore au pouvoir : « Faites donc la part de l’effervescence des passions et du bouillonnement du sang. Ne comprimez pas la vapeur de façon à centupler sa force et son impétuosité. Sachez ouvrir les soupapes quand il faut. » Pourquoi donc n’avez-vous pas suivi ces sages conseils que vous donniez aux autres ? Pourquoi ne m’avez-vous pas répondu sérieusement, scientifiquement ? c’était le moyen de me faire oublier votre inqualifiable attaque et d’élucider une question importante. Pourquoi ne vous rappeliez-vous pas ces paroles du citoyen Félix Pyat : « Il n’y a rien de faible comme la Force. » Mais non ;… voilà que vous faites pire que le Pouvoir, et que vous comprimez ma liberté rétive jusqu’à la faire échapper dans un nouveau pamphlet. Dieux ! que vous êtes gauches !Quos vult perdere Jupiter dementat !

Si vous étiez jeunes, tout jeunes, on pourrait dire que vous avez fait cela dans un moment d’emportement. Mais comptez bien : vous commencez à dater, vous êtes un peu mûrs. Voilà déjà pas mal de printemps que vous usez vos culottes de peau dans les parlements et les journaux, vous n’êtes plus de première main, d’absolue fraîcheur. Vous êtes parvenus à un âge où l’on a de l’expérience, où l’on ne fait plus des étourderies étourdiment. Donc vous vous êtes concertés, vous avez calculé pour faire, vous, une école ; — car je ne crois vraiment pas que l’article du citoyen Ribeyrolles m’ait fait autant de mal qu’à lui.