Page:Coeurderoy - 3 lettres au journal L'Homme.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans l’Humanité, et encore pour longtemps, préférez-vous succomber au mal chronique du monopole, — contre lequel il n’y a pas de remède[1] ; — ou…. subir l’amputation par le glaive qui brille au Nord, et conserver ainsi une chance de salut ? — Moi, malade comme vous, j’ai le courage de demander l’amputation. Moi, médecin, si j’étais consulté, je la proposerais. Et cela, parce que j’ai la conviction que notre pauvre petite minorité progressiste ne peut pas révolutionner un monde noir de gangrène ; — parce que vos appels aux Bourgeois, AUX BOURGEOIS DE FRANCE, les FONT RIRE ; parce qu’ils ont tellement peur, qu’ils chantent victoire lorsque les terribles flottes combinées font un peu de bruit autour d’Odessa ; parce qu’ils croient jouer à la petite guerre quand il s’agit de l’éboulement d’un monde.

Voici ma seconde réflexion. — Je crois à la renaissance de l’homme dans l’humanité. Je suis, comme vous, de ceux qui ne disent pas : " Après moi la fin du monde. " J’espère de toute mon âme en l’éternelle et continue transformation, elle est prouvée. C’est pourquoi je suis passionnellement révolutionnaire, — comme vous avez raison de le dire. — C’est pourquoi je ris de bon cœur en voyant les citoyens démagogues, pressés les uns contre les autres, se démener, comme des poissons rouges, dans l’étroit bocal de leurs traditions de terreur et de chauvinisme. C’est pourquoi j’admire leur colossal aplomb de prendre ce grand mot Science pour devise du journal le plus mesquinement cancanier qui ait fait gémir jusqu’à cette heure les presses libérales. C’est pourquoi, mon cher ami, je ne vous fais ni l’injustice ni l’injure de vous confondre avec ces revenants de 93, les plus maigres des rats qui courent les coulisses politiques, flairant des préfectures, des commissariats de police et des représentations. — Puissions-nous être toujours préservés de la myopie, de la cataracte et du regard louche ! Puissions-nous rester grandement utopistes, ami, et ne jamais devenir de grandes utilités gouvernementales ! Le monde et l’avenir sont immenses, et les grands hommes de ce siècle sont bien petits ! Consolons-nous de la Calomnie par la Science et l’Espoir, à la vue perçante !

À votre tour, ami, savez-vous ce qui arriverait si, par malheur,

  1. Je ne répète pas les démonstrations que j’ai données de cette proposition.