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Page:Cogordan - Joseph de Maistre, 1894.djvu/40

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joseph de maistre.

s’agissait de détacher les Savoyards de la France. Quoi d’étonnant que la Savoie ait subi l’entraînement général qu’on éprouvait alors pour la Révolution dans toute l’Europe, en Allemagne, en Italie, en Angleterre même, où les poètes chantaient la prise de la Bastille comme une victoire de l’humanité ? Mais comment les événements qui ont suivi ne dessilleraient-ils pas les yeux ? Le peuple a cru qu’il obtiendrait la liberté avec et par son roi. Où l’a-t-on mené ? Il s’est donné à la France, ou a paru se donner à elle, car la prétendue assemblée nationale des Allobroges n’était pas légale et ne représentait personne. Qu’en est-il résulté ? À un régime paternel et doux, à une administration sage, honnête, juste, a succédé la tyrannie de la plèbe. Le pouvoir royal n’est pas illimité, comme on le croit. Des freins multiples l’arrêteraient s’il voulait excéder certaines limites : la religion que professe le roi, la honte qui rejaillirait sur lui, sur sa famille, l’opinion de ceux qui l’entourent, la politique même dont il ne peut pas méconnaître les obligations. La tyrannie de la plèbe, au contraire, n’a ni frein, ni limites. Dans une assemblée, les mesures les plus injustes, les plus vexatoires peuvent être votées, parce qu’aucun des votants ne se sent responsable. La responsabilité appartient à la collectivité, autant vaut dire à personne. Que les Savoyards secouent donc le joug qui les écrase ! qu’ils rappellent leur souverain légitime ! c’est l’intérêt bien entendu de tous.