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Page:Cogordan - Joseph de Maistre, 1894.djvu/39

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les années d’émigration.

Il se rappelait avec plaisir ces entretiens, bien qu’il mêlât un peu de raillerie au souvenir des « scènes à mourir de rire » qui avaient marqué ce qu’il nommait ses a Soirées helvétiques ». Plus tard, oubliant tout à fait la séduction qu’il avait subie, il en vint à juger Mme de Staël avec une sévérité injuste et presque cruelle. Si celle-ci eût prolongé son séjour à Lausanne, le charme n’eût pas duré longtemps. Elle avait trop d’esprit, trop d’éclat, trop d’idées. Elle étonnait, elle éblouissait, mais elle fatiguait vite. Que l’on compare l’accueil qu’elle reçut lors de son premier voyage en Allemagne à celui qu’elle y trouva quelques années après. Gœthe prolongea son séjour à Carlsbad jusqu’à ce qu’elle eût quitté Weimar.

Joseph de Maistre supportait avec dignité l’épreuve qui lui était infligée par les circonstances. Le roi de Sardaigne lui avait demandé des rapports politiques. Il écrivait ce qu’il pouvait apprendre ou deviner des événements[1] ; mais, obsédé par la pensée de la Révolution, que tout lui rappelait sans cesse, il pensa qu’il pourrait utilement la combattre en publiant les sentiments qu’elle lui inspirait. C’est ainsi que l’ex-sénateur de Chambéry devint écrivain. Ici commence sa vie nouvelle.

Son premier écrit fut tout de circonstance. Il

  1. Cette correspondance n’a pas été conservée aux Archives royales du Piémont. C’est une lacune d’autant plus regrettable que l’on sait, par le souvenir qu’en ont gardé les contemporains, qu’elle était du plus haut intérêt.