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près de cette chaussée qui formait la redoute derrière laquelle s’étaient portés nos chasseurs, nous continuâmes notre retraite, toujours serrés de près, par les escadrons ennemis. Mais au moment où nous regagnions l’entrée du faubourg, les cavaliers qui nous poursuivaient en longeant la chaussée furent surpris par un feu de file qui, tombant sur cette masse compacte, joncha la terre de chevaux et d’hommes ; et nous pûmes atteindre le faubourg sans être inquiétés.

Tandis que nous exécutions cette brillante charge, l’empereur, avec sa vieille garde et son artillerie, montait la côte qui domine Montereau. Sur ce plateau élevé en face du pont, se dressait en demi cercle un mur garni de belles charmilles derrière lesquelles nos pièces étaient en batterie. De ce point, Napoléon foudroyait les colonnes ennemies qui s’allongeaient dans la plaine, car ce jour-là il fut à la fois général, soldat et canonnier, donnant des ordres à tout son monde et pointant lui-même les pièces de canon. Les vieux grognards voulurent le faire retirer : non, dit-il, le boulet qui doit me tuer n’est pas encore fondu.

Que ne trouva-t-il à Montereau la mort glorieuse qu’il cherchait, après avoir été si cruellement trahi par un homme qu’il avait comblé de faveurs et élevé à la plus haute dignité de l’armée !

Il était indigné d’un tel abandon qui ouvrait à l’ennemi les portes de la capitale. Mais il était grand, et il pardonna.