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Page:Coignet - Aux Vieux de la vieille, 1853.djvu/72

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rang dans la deuxième compagnie de grenadiers de mon bataillon.

Le capitaine vint me serrer la main. Je vous croyais perdu, mon brave, dit-il. Vous avez reçu un fameux coup de sabre. Car vous n’avez plus de queue. Votre épaule a bien du mal. Vous devriez vous mettre en serre-file.

— Non, répondis-je, j’ai une giberne pleine de cartouches et je veux me venger sur le premier cavalier que je pourrai joindre. Ils m’ont trop fait de mal ; ils me le paieront tôt ou tard !

Cependant la retraite continuait et nous étions prêts à lâcher pied. Grâce à la contenance de nos chefs, nous arrivâmes jusqu’à midi sans être entamés. Regardant derrière nous, nous vîmes le consul qui était assis sur la levée du fossé de la grande route d’Alexandrie. Il était seul, avait la bride de son cheval passée dans son bras et faisait voltiger de petites pierres avec sa cravache. Il ne semblait pas voir les boulets qui roulaient sur la route. C’était son habitude. Jamais il ne songeait à sa vie. Je ne l’ai vu qu’une seule fois s’abriter contre les feux ennemis ; c’est à Eylau, derrière l’église.

Quand nous fûmes près de lui, il monta sur son cheval, et partit au galop derrière nos rangs, du courage, soldats, criait-il. La réserve arrive ! tenez ferme ! Il se dirigea vers la droite de l’armée, et partout sur son passage les soldats de crier : Vive Bonaparte !