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Page:Coignet - Aux Vieux de la vieille, 1853.djvu/91

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Dès notre première étape, nos soldats trouvèrent du vin d’Espagne à trois sous la bouteille, Ils en burent comme du petit lait, et ils tombèrent ivres morts. Il fallut mettre toutes les voitures du pays en réquisition, et les y charger comme des veaux. Au bout de huit jours, les ivrognes ne pouvaient plus manger leur soupe. Le bouillon ne restait pas dans la cuillère. Ces maudits vins leur avaient donné un tremblement nerveux épouvantable.

Nous gagnâmes Victoria, de là Burgos, de là Valladolid, où nous restâmes très-longtemps couchés dans la vermine. Dans cet affreux pays, ce sont les poux qui font le lit des soldats, à force de remuer la paille. Les trois quarts des Espagnols en sont eux-mêmes infestés. Ils les prennent à la pincée et les jettent par terre, en disant : Que celui qui vous a fait vous nourrisse.

 Valladolid, j’eus le bonheur d’être tiré sapeur, par mon colonel, M. Lepreux. C’était un grand avantage pour un pauvre soldat comme moi, car les sapeurs sont toujours logés avec l’état-major, bien traités, bien soignés. On me donna deux habillements neufs : grande tenue et petite tenue, et le tablier blanc et la hache. Je laissai pousser ma barbe : elle prit bientôt des pro- portions énormes, treize pouces de long !

De Valladolid nous partîmes pour Salamanque, grande ville où nous restâmes encore longtemps à passer des revues et à faire la petite guerre. Notre avant-garde poussa sa pointe presque sur la frontière