Page:Coignet - Les Cahiers du capitaine Coignet, 1883.djvu/320

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cents affamés ne faisaient qu’un monceau, tous les uns sur les autres.

Les chasses furent terminées au bout de quinze jours, la cour rentra à Paris et nous à Courbevoie ; la caserne contenait trois bataillons ; chaque mois, un bataillon faisait à son tour le service à Paris, service pénible : huit heures de faction, deux heures de patrouille et des rondes-major de nuit. L’adjudant-major fit son rapport au général Dorsenne que l’Empereur m’avait nommé instructeur des deux régiments de grenadiers, et je fus mis en fonctions de suite.

Mais ce ne fut pas tout. Le matin, les consignés, balai à la main, nettoyaient les ruisseaux, les lavaient, et le plus pénible pour eux était de laver les lieux. Comme j’avais une carrière à sable près de la grille, si j’avais beaucoup d’hommes punis, je les menais tirer du sable et ils étaient plus contents que de faire l’exercice. Je partais avec mes vingt ou trente hommes prendre les outils, et je les mettais à l’ouvrage : les uns tiraient le sable, les autres menaient la brouette, les autres le tombereau, et tout le sable rentrait dans la cour. Tout cela se faisait sans murmurer. De même, si je leur donnais la tâche d’arracher de l’herbe, on grognait un peu, mais ça se faisait. Je variais leurs punitions le plus que je pouvais. Je voyais ces vieux soldats assez dociles pour des hommes qui sortaient du régiment avec le grade de sergent et même ser-