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les cahiers

J’arrive près de la tente ; je me fais annoncer. Le général Monthyon sort et me dit : « C’est vous, mon brave. Je vais vous présenter à l’Empereur de suite ; il vous croit pris. »

Mon général dit alors à l’Empereur : « Voilà l’officier qui arrive de Witepsk. » Je donne mes dépêches, il regarde mon état déplorable : « Comment as-tu passé dans la forêt ? les cosaques y étaient. — Avec de l’or, Sire ; un paysan m’a fait faire un détour et m’a sauvé. — Combien lui as-tu donné ? — Trois napoléons. — Et tes chevaux ? — Je n’en ai plus. — Monthyon, paye-lui ses frais de route, ses deux chevaux et les 60 francs que le paysan a bien gagnés ; donne le temps à mon vieux grognard de se remonter. Pour ses deux chevaux, 1,600 francs et les frais de poste ! Je suis content de toi. »

Le lendemain, on fit l’entrée de Smolensk (17 août au matin), mais on ne pouvait pénétrer dans cette ville ; toute la grande rue était encore en feu de notre côté ; les Russes, de l’autre côté sur des hauteurs, criblaient la ville d’obus et de boulets ; elle était dans un état déplorable. On ordonna d’attaquer sur toute la ligne vers deux heures de l’après-midi ; la bataille fut des plus sanglantes et ne cessa qu’à la fin du jour ; la ville était en feu par la plus belle nuit du mois d’août. Pour y arriver, il fallait passer par un bas-fond et remonter jusqu’à une porte barricadée par des redoutes faites avec des sacs de