Page:Coignet - Les Cahiers du capitaine Coignet, 1883.djvu/476

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rait de bon cœur ; ça coulait sur ses grosses joues si fort qu’il me donnait presque l’envie d’en faire autant. Comme c’était amusant pour moi ! Lorsque toutes les bénédictions et les baisers de crucifix furent terminés, la voiture de la princesse, traînée par les ânes du port, fit son entrée dans la cour de la Préfecture. Au pied du perron, elle fut reçue par les autorités, et monta d’un pas lent les degrés : elle était pâle, maigre et soucieuse. On l’introduisit dans une grande salle qui pouvait contenir 300 personnes ; là un trône était préparé pour la recevoir. Ma mission remplie, je me réunis au corps des officiers en demi-solde pour aller faire notre visite à cette princesse, fille du malheureux Louis XVI. Notre tour arrive, nous sommes annoncés et formons le cercle dans cette salle immense ; elle ne nous adressa pas un mot, elle avait l’air rechigné. Il se présente une grande dame pâle qui se fait annoncer pour faire présent d’un anneau ayant appartenu, disait-elle, aux ancêtres de la famille de Louis XVI. Une dame d’honneur rend compte de cette visite à la duchesse qui dit : « Faites retirer cette femme. » Force lui fut de se retirer, bien penaude.

En ce temps-là, il nous fut enjoint de chercher des établissements, ce qui voulait dire : « Vous êtes répudiés. » Tous les officiers qui ne purent rester en ville se sauvèrent dans les campagnes pour vivre à la table des laboureurs