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LES CAHIERS

quinze lieues de Coulommiers à Paris). Il y avait sur cette table deux plats de matelote ; je croyais que l’on donnait un repas en ma faveur.

On me fait mettre à côté d’un grand gaillard, et madame lui recommande de me servir. Il me donne un morceau de carpe ; j’en étais honteux de voir mon assiette pleine de poisson ; j’aurais pu en faire deux repas. Il s’aperçut que je mangeais peu ; il mit un morceau de pain dans sa poche, et me le présente à l’écurie en me disant : « Vous n’avez pas mangé, vous êtes trop timide. »

Comme je l’ai dévoré à mon aise, du pain blanc comme la neige !

À neuf heures il vient une grosse fille faire mon lit dans l’écurie. J’étais bien couché : un lit de plumes, un matelas, des draps bien blancs. Je me trouvais heureux.

Le matin, mon grand camarade me mène à la salle à manger pour déjeuner, avec ma demi-bouteille et du fromage. Dieu ! quel fromage[1] ! comme de la crème ! et du pain de Gonesse, avec le vin du pays. Je lui demandai ce que je ferais. « Il faut attendre que madame soit levée, elle vous le dira. — Eh bien, je vais panser mon bidet et le faire boire, et nettoyer l’écurie. »

Je pétillais du désir de travailler. Le garçon d’écurie était parti à la ville ; je profite de cette

  1. Le fromage de Coulommiers a conservé sa réputation.