Page:Colbert - Lettres, instructions et mémoires de Colbert, tome 2, partie 2.pdf/11

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du péril qui procède des hostilités estrangères a achevé nostre ruine, ostant le courage aux marchands d'envoyer ou demander rien aux estrangers pour ne pas exposer à une visible perte tout ce qu'ils risqueroient.

Tant que nous n'avons eu affaire qu'à l'Espagne, nous nous en sommes garantis assez heureusement ; mais depuis que, par un surcroist de malheur, les Anglois nous ont déclaré une geurre qui n'est pas moins fascheuse qu'imprévue, cette surprise, dans l'estat où nous nous trouvons, sans armée navale pour résister aux leurs très-puissantes, et dans l'abattement des peuples des villes frontières, le peu de secours que reçoivent les finances du roy depuis la cessation du commerce, et les troubles qui empeschent de faire un fonds suffisant pour armer une flotte telle qu'elle seroit nécessaire, [font qu'] il est difficile que le commerce puisse se restablir tant que ce désordre continuera et qu'on souffrira les représailles que les Anglois donnent, fondées sur diverses prises faites par des vaisseaux françois ou vendues dans les ports de France.

Pour obvier aux suites de cet inconvénient, qui nous pourroit enfin causer une guerre fascheuse, il semble qu'il n'y a que deux moyens qui se réduisent enfin à un, c'est de traiter avec eux :

Ou par un traité particulier avec les intéressés quo demandent, disent-ils, justice et restitution des choses prises et confisquées sur eux, ce qui se réduit à un long examen ou discussion où il faut apporter beaucoup de considération et faire comparaison des prises faites par les Anglois sur nos marchands avec plus d'injustice ;

Ou il faut venir à un traité général avec le régime présent d'Angleterre qui, ayant renversé la forme de l'estat ancien, nous oblige par cette mutation à prendre nos seuretés avec eux par de nouvelles conventions ou au moins à renouveler et confirmer les anciens traités entre la France et l'Angleterre, avec cette différence néanmoins que, les prétentions des rois d'Angleterre (qui n'ont point esté transmises à leur peuple, et dont la République ne peut avoir succédé) ayant rendu nos rois moins exacts à demander diverses conditions pour le commerce avec lesdits Anglois, dont les autres nations, et particulièrement les Espagnols, se sont prévalues, nous pouvons à présent tirer divers avantages de ce changement pour l'égalité du commerce sur lequel ils nous traitoient très-iniquement, tant par les impositions sur les marchandises que nos marchands en tiroient ou y transportaient, qu'ils appellent d'Esdavache, de Cajade, du Survoyeur et du Coquet, qui estoient des imposts que les rois augmentoient tous les jours, aussy par des licences particulières et priviléges à des compagnies, exclusivement à tous autres, du transport de diverses marchandises, par le