Page:Colbert - Lettres, instructions et mémoires de Colbert, tome 2, partie 2.pdf/13

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temps le commerce, et par conséquent l'abondance publique et la richesse des particuliers et notablement les droits du roy, par la réception des marchandises estrangères qui ne viennent point et la sortie des denrées du pays qu'on n'ose exposer à la mer.

Pour ce qui est du passé et prises faites sur des marchands anglois, elles sont de deux natures et conditions :

[1°] Ou faites sur les commissions du roy d'Angleterre dont nous ne sçaurions répondre, ni avoir empêsché que les sujets du roy, et mesme commandant ses vaisseaux, n'ayent pris commission d'un autre prince, cousin du roy, et dont la reyne, sa mère, est présente et si considérée en France que, au milieu de la guerre civile, le parlement de Paris la gratifia d'une pension notable, puisqu'on voit tous le sjours que divers François et mesme des chefs des troupes du roy suivent le mareschal de Turenne et servent l'Archiduc et les ennemis de la France. Mais tout ce que pouvait faire le Roy avec son Conseil estoit de faire défense à tous le sports de recevoir les prises faites par les vaisseaux et au nom du roy d'Angleterre, [et les y acheter, sous très-grièves peines, en quoy il semble que la neutralité, que le Roy entend estre observée, préjudicie aux vaisseaux du Roy d'Angleterre,[1]] qui n'ont point de ports si commodes qu'en France pour retirer leurs prises, au lieu que ledit Parlement et République possèdent tous les ports d'Angleterre qui leur servent de retraite.

[2°] Ou les prises ont esté faites par des vaisseaux du roy avec sa commission et bannière de France. Il se trouvera que les vaisseaux anglois estoient chargés de robe d'ennemy ou qu'ils n'ont pas voulu amener et obéir aux lois de la mer : au contraire, ont tiré sur les vaisseaux françois. Que s'il se trouve quelques abus commis par les capitaines des vaisseaux du roy, on en peut demander la justice, qui ne sera jamais déniée, au lieu de représailles sur les pauvres marchands qui n'ont point participé auxdites prises, en quoy l'injustice est évidente.

Et, d'autant que les pertes faites par nos marchands, qui ne se plaindroient pas peut-estre s'ils avoient esté pris de la mesme sorte que les Anglois, excèdent ou pour le moins également les leurs, il y a de l'apparence qu'il faudra venir à consentir que chacun gardera ce qu'il a pris, vu l'impossibilité de la restitution que les Anglois mesmes ne demanderoient pas après une guerre ouverte, ainsy qu'il a esté pratiqué en tous les traités faits avec leur nation. Il nous serait désavantageux d'avoir esté leurs amis et alliés, s'ils nous traitoient si rudement et avec des conditions onéreuses, après avoir

  1. Le membre de phrase entre crochets est rétabli d'après le manuscrit.