Page:Colbert - Lettres, instructions et mémoires de Colbert, tome 2, partie 2.pdf/14

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observé si religieusement une ponctuelle et exacte neutralité pendant les guerres civiles où le roy d’Angleterre mesme s’est plaint diverses fois que la France favorisoit ouvertement le Parlement.

Pour la liberté du commerce, il y a deux choses à désirer :

L’une, la décharge des impositions et daces[1] que les Anglois lèvent sur les marchands françois et où les Espagnols mesmes ne sont sujets en vertu de leurs traités. Nous avons raison de demander pour le moins des conditions égales, le commerce de la France ayant esté toujours plus utile à l’Angleterre, et l’entrée de ceux de nostre nation n’y estant point si dangereuse que celle de ce peuple méridional, avare et ambitieux ;

L’autre, qui regarde particulièrement la province de Guyenne, la Rochelle et Nantes, est qu’ils laissent entrer les vins de France en Angleterre, en leur permettant l’entrée de leurs draps directement, suivant les traités faits avec leurs rois pour le commerce, au lieu que nous recevons tous les jours leurs draps par les Hollandois, qui leur portent aussy nos vins transvasés dans d’autres futailles. L’interest des fermes du roy est visible en cette permission réciproque, les douanes ne pouvait subsister si toutes les marchandises n’y sont reçues indifféremment avec liberté et n’en sortent de mesme.

Le point où les Anglois s’attachent le plus, et pour lequel ils veulent relascher et condescendre à tout ce qu’on leur peut demander, est la reconnaissance de leur République, en quoy les Espagnols nous ont précédés et obtenu, en conséquence, l’adjonction de la flotte angloise pour attaquer celle des Portugois qui vient du Brésil. On a à craindre une plus étroite union des négociations de l’ambassadeur d’Espagne en Angleterre.

C’est à Nosseigneurs les Ministres à perscrire la forme de cette reconnoissance, jusqu’où elle doit aller : en quoy la France sera excusable devant Dieu et les hommes, si elle est contrainte de venir à la reconnoissance de cette République, pour prévenir les ligues et mauvais desseins des Espagnols, qui font toutes les injustices et se soumettent à toutes les bassesses imaginables pour nous nuire.

Il semble que cette affaire, bien que délicate, se peut traiter de telle sorte que cette nation orgueilleuse s’en peut contenter, sans préjudicier au roy d’Angleterre, ou favoriser le mauvais exemple de la dégradation de la royauté, après ce que la France a fait en faveur des Hollandois, qui en se contentoient pas, comme les Anglois, d’un compliment, et ont fait voir enfin que la foy germanique, ou plutost batavique, n’estoit pas plus solide que l’angloise.

(Arch. des Aff. étr. « Supplement d’Angleterre », vol. 60, fol. 438.)

  1. Impôt à l’importation.