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PRÉFACE.


Appelé, par sa propre destinée et par les enseignements des siècles précédents, à la recherche plus active et plus éclairée de la vérité complète, le dix-neuvième siècle a senti que pour que les investigations historiques, philosophiques et religieuses, eussent désormais une base solide, elles devaient commencer par le monde oriental, précurseur, dans le domaine de l’intelligence et de la pensée, du monde occidental qui déjà, du temps de Platon, s’en reconnaissait le disciple. C’est donc pour favoriser ce sentiment qui se manifeste de plus en plus et pour obéir à une pensée généralisatrice que j’ai entrepris des travaux sur la philosophie orientale, l’expression la plus haute et la plus complète de la pensée de l’Orient. Au milieu de ce monde presque tout nouveau pour nous, l’Inde, avec sa langue sanskrite si savante et si métaphysique, avec sa pensée religieuse si profonde et si sublime, sa pensée philosophique si abstraite et si hardie, son imagination si poétique et si gigantesque, et sa nature si merveilleuse et si féconde, nous apparaît comme le grand et antique foyer de la pensée humaine, comme le point central et rayonnant de ce vaste cercle d’idées philosophiques et religieuses, d’idiomes frappants de consanguinité, qui a enveloppé la haute Asie et qui a fini par embrasser presque tout l’ancien monde. C’est en effet sur les hauts plateaux de l’Asie qu’a été jeté primitivement l’énigme du genre humain ; c’est de là que le grand fleuve de la civilisation est parti avant de couvrir l’Europe et avant de laisser derrière lui de vastes déserts de sables. L’humanité ne peut être bien comprise partiellement. Il faut la voir dans son ensemble ; il faut assister à sa naissance, à son âge viril et à sa décadence ; il faut pouvoir renouer les anneaux de cette grande chaîne qui, comme le Nil, dérobe encore son commencement aux regards du monde. Cette chaîne, pour nous, a son anneau le plus reculé dans l’Inde ; c’est jusque-là, comme jusqu’aux montagnes de l’Abyssinie pour le Nil, qu’il a été donné jusqu’ici à la science humaine de remonter. Il est peut-être réservé à l’avenir de soulever le voile qui couvre encore les hautes origines du monde.

Les Mémoires de M. Colebrooke, dont je donne la traduction, ont été insérés successivement, depuis 1824 à 1829, dans les deux premiers volumes des Transactions de la Société asiatique