Page:Colet - Enfances celebres, 1868.djvu/22

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son habitation, le comte exhala toute l’amertume de ses pensées, s’écriant qu’il aimerait mieux mourir que de vivre plus longtemps dans l’abaissement où l’infortune l’avait placé. Ses fils aînés répétèrent ses paroles, et ils jurèrent d’aller se faire tuer dans quelque guerre lointaine plutôt que de languir obscurs. La comtesse, témoin de cette douleur, versa des larmes, et son fils Jean tâcha de calmer le désespoir de son père et de ses frères. Mais, voyant qu’il ne pouvait y réussir et qu’on répondait par le sarcasme à ses paroles douces, le noble enfant resta rêveur, réfléchissant en lui s’il ne trouverait pas quelque moyen de rendre à sa famille le bonheur qu’elle n’avait plus.

Tandis que les Mirandole exilés se désespéraient ainsi, Fra Rinaldo, le prieur, entra. » Je vous annonce, dit-il, une nouvelle qui sera sans doute fort indifférente à plusieurs d’entre vous, mais que Jean apprendra avec intérêt. — Laquelle ? dit le jeune Pic accourant vers son oncle. — L’arrivée du professeur Lulle, qui vient pour faire soutenir des thèses de théologie aux élèves de l’université de Modène. — Oh ! que je voudrais bien le voir, s’écria l’enfant ; Lulle ! Lulle ! le plus grand savant de l’Europe ! Oh ! mon oncle, ce doit être un homme bien merveilleux. » Mais, s’apercevant que son admiration naïve excitait l’ironie de ses frères, il se tut ; puis il prit en silence une grande résolution.

Lorsque le prieur se leva pour sortir, il le suivit, et, dès qu’il put lui parler sans témoin : » Mon oncle, dit-il, je veux aller à Modène, je veux voir le professeur Lulle, je veux soutenir une thèse devant lui et faire honneur au nom de mon père ! — Enfant, répondit Fra Rinaldo,