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Page:Colet - Enfances celebres, 1868.djvu/315

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» Voyons, mon petit, disait la bonne mère en tenant Charles dans ses bras, cela t’afflige donc bien de ne plus aller à travers les neiges et les crevasses des rochers chercher les plantes enfouies ?

— Oh ! ma mère, si vous saviez quel plaisir quand je découvre une espèce nouvelle d’admirer et de compter les racines, les tiges, les feuilles, les fleurs, les pétales, chaque linéament enfin de ces trésors du bon Dieu ! c’est surtout au printemps que ce plaisir si vif se multiplie et se varie. Les fleurs nouvellement écloses sont pour moi tout un monde comme serait pour d’autres l’arche qui renfermait tous les animaux de la création. Les plantes me parlent et je les entends ; je vous assure, ma mère, qu’elles ont des instincts, des habitudes et des différences dans les mêmes espèces comme le visage de mes sœurs et le mien diffèrent malgré notre ressemblance.

— Tu rêves, tu rêves, mon cher enfant, s’écria la mère moitié riant et moitié attendrie, mais par ce grand froid et avec l’aridité de la terre, ton plaisir doit être bien diminué, tu te donnes beaucoup de fatigue pour ne recueillir qu’un maigre et rare butin.

— Oh ! ma mère, demandez au chasseur s’il redoute la neige qui tombe sur ses épaules ? Demandez au pêcheur si les bancs de glace l’arrêtent ? Ils ne voient que la proie qu’ils poursuivent et qu’ils rapportent le soir dans leur logis ; et tenez, poursuivit-il en saisissant un des cahiers de son herbier, que ne braverait-on pas pour posséder une de ces jolies fleurs qui sont là, me souriant et me répondant, quand je les interroge. Chaque jour je découvre quelque espèce inconnue dans les mousses, dans les lichens ; et mon père veut que je renonce à ces recherches !