Page:Colet - Enfances celebres, 1868.djvu/80

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avait pensé : ce doit être bien près, j’y arriverai comme la Seine y arrive. Quoiqu’il fût parti aux premières lueurs de l’aube et qu’il eût marché courageusement tout le jour, la nuit commençait à tomber qu’il n’apercevait pas encore le clocher d’Orléans. Il pensa qu’il s’était égaré ; mais à qui demander son chemin ? par une fatalité qui lui sembla une juste punition du ciel, il avait marché depuis le matin sans rencontrer ni piéton, ni monture ; il avait pourtant compté sur l’assistance publique, car il était parti sans avoir mis sous ses petites dents blanches un pauvre morceau de pain. Avec cette insouciance de l’enfance que les chimères et l’espérance accompagnent, il avait cheminé d’abord gaiement et vite, courant même pour se réchauffer. Mais un ventre vide affaiblit les jambes, et bientôt il n’était plus allé qu’au pas, insensiblement il s’était traîné, et enfin il était tombé épuisé sur un buisson, ne reconnaissant plus sa route à travers la neige qui commençait à tomber et la nuit qui venait. Il poussait des gémissements entrecoupés de ces exclamations : oh ! mon Dieu ! oh ! ma bonne mère ! qui s’échappent toujours de la bouche de l’enfant, et même de celle de l’homme qui souffre ; car si Dieu est pour nous la protection d’en haut, une mère est le refuge humain qui, jusqu’à la mort, ne nous manque jamais ici-bas.

[Illustration : Allons, Pierre, trois coups de la gourde à ce petit pour le secouer]

Donc, le pauvre petit vagabond dans sa détresse appelait sa mère, sa mère qu’il avait quittée résolûment le matin sans lui dire adieu.

Comme il se désespérait et sentait déjà le froid engourdir son corps, il entendit des pas de chevaux qui retentissaient sur la route pierreuse ; il gémit plus fort,