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Page:Colet - Enfances celebres, 1868.djvu/88

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— Il faut déguerpir d’ici, s’écria-t-elle, mon père veut te tuer, il dit que tu es un voleur, que tu as pris de l’argent dans le comptoir.

— J’ai pris un écu pour acheter ce livre, lui dis-je, en tirant les Évangiles de ma paillasse.

— Tu n’en as pas moins fait un vol à notre père, me dit ma sœur sévèrement, tu dois te cacher loin d’ici, car notre père qui te croit à vagabonder par la ville, a juré que s’il te retrouvait il t’exterminerait, ou te livrerait à M. le prévôt comme un voleur. »

» Ce mot de voleur répété me faisait bien souffrir, je vous assure, je me mis à sangloter.

» C’est bien le moment de pleurer, me dit ma sœur. Passe par la cour et va te cacher chez ton parrain le boucher ; ma mère t’y rejoindra ce soir. »

» Je plaçai mon livre, cause de tout mon malheur, entre ma chemise et ma souquenille, et je pris la fuite comme ma sœur me l’avait conseillé. Je gagnai bientôt la maison de mon parrain le boucher, mais je n’osai y entrer de peur d’explication et de remontrance, je m’assis sous le hangar où il rangeait les bœufs, et me sentant là à l’abri et chaudement je me remis à lire dans mon livre en attendant que la nuit vînt et permît à ma mère de me rejoindre ; je pouvais la guetter d’où j’étais placé, et quand je reconnus le bruit de ses pas, je me levai pour aller à sa rencontre. Ma mère, loin de me faire peur comme mon père, me semblait un secours du ciel qui m’arrivait ; je me jetai à son cou et je lui racontai en pleurant ce que j’avais fait.

» J’étais bien sûre, me dit-elle en regardant le livre, que tu n’avais pas pris cet argent pour mal faire ; mais