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Page:Colet - Enfances celebres, 1868.djvu/89

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ton père ne veut rien entendre ; il faudra longtemps pour l’apaiser, et d’ici là où vivras-tu, mon pauvre enfant ? J’ai bien eu l’idée de parler à ton parrain pour qu’il te donne asile ; mais ici ton père te retrouvera et il arrivera quelque malheur.

— Oui, ma mère, lui dis-je, il faut que j’aille bien loin gagner ma vie, je veux voir Paris et y apprendre bien des choses dont le maître d’école m’a parlé.

— Tu es fou, mon petit Jacques, que deviendrait un pauvre enfant comme toi dans cette grande ville ?

» Je ne sais pas tout ce que je lui dis pour lui persuader que Paris serait le paradis pour moi ; il me semble qu’un esprit me soufflait mes paroles pendant que je lui parlais. Il fut convenu qu’elle me confierait dès le lendemain à des bateliers qui descendaient la Seine de Melun à Paris, et que chaque semaine elle m’enverrait par eux un grand pain qui m’aiderait à vivre là-bas.

» Mais à propos de pain, tu n’as pas soupé, mon pauvre Jacques ; tiens, voilà des noix et une galette que j’avais faite pour toi ; mange, puis endors-toi sous ce hangar, puisque tu t’y trouves bien, et demain, au petit jour, je viendrai te chercher, me dit cette bonne mère. »

[Illustration : Tiens, voilà des noix et une galette que j’avais faite pour toi.]

» Elle partit, quand j’eus mangé je m’endormis sur la litière des vaches, et je fis un songe merveilleux. Je me voyais dans le palais du roi de France avec de beaux habits, j’étais en familiarité avec les enfants du roi, ou plutôt ils me traitaient avec respect et m’appelaient leur maître. Ce que cela veut dire, je n’en sais rien ; mais j’ai vu de si belles choses dans ce rêve, des monuments de tous genres : palais, églises, colléges, que j’en suis sûr je retrouverai à Paris ; j’ai entendu des voix si nombreuses