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cesses, la table d’hôte n’avait été servie avec autant de soin et de recherche qu’elle le fut ce jour-là. Par un accord tacite, tous les convives, hommes et femmes, s’étaient vêtus d’une toilette élégante pour faire honneur à ce repas de réintégration. Nérine portait une robe de soie lilas qui s’harmoniait à ravir avec son teint pâle et nacré ; autour de sa chevelure, elle avait enroulé des barbes de tulle illusion qui, fixées à la nuque par une aiguille orientale, retombaient sur ses épaules. Je ne la vis jamais si belle et si gaie.

Nous venions de finir le potage quand j’aperçus tout à coup dans la galerie qui dominait la salle à manger, le marquis Sigismond et le sieur Routier nous observant ; ils n’en croyaient pas leurs regards. Quoi ! nous mangions à la table d’hôte, et Nérine, assise à la place d’honneur, nous présidait ! Ils se promenèrent quelques instants à grands pas, heurtant la balustrade de leurs bottes et gesticulant avec fureur ; bientôt nous les vîmes disparaître ; ils coururent au comptoir du père Taverne.

— Vous nous bravez, monsieur, dit Serrebrillant ; plus un mot, nos comptes, vite…

— Voici, messieurs, répliqua l’hôtelier avec flegme, ils sont tout prêts.

— Bien ; voilà votre argent.