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Malheur aux vaincus ! l’éternelle vérité du mot de Brennus écrasa les Serrebrillant et les Routier. Sitôt qu’ils paraissaient à l’établissement thermal ou à la promenade, on les montrait au doigt : c’étaient des chuchotements et des rires qui faisaient blêmir la petite marquise. La place ne fut plus tenable ; ils durent quitter les Eaux comme ils avaient quitté l’hôtel. Ils partirent un matin en fugitifs, secrètement et sans bruit. L’employé seul du chemin de fer de Toulouse qui ne dormait pas, vit passer leur calèche en regardant le jour se lever. Les deux femmes et les deux maris occupaient l’intérieur ; le pauvre écolier était assis sur le siège à côté du cocher ; il jeta un coup d’œil désespéré sur l’hôtel où Nérine reposait ; la petite marquise y lança un regard de malédiction qui signifiait un adieu éternel aux Pyrénées ; elle sentait que le va-et-vient des voyageurs avait répandu dans toutes les villes d’eaux circonvoisines le ridicule épisode que je viens de raconter.

Le lendemain du départ de nos héros, je dus à mon tour quitter les Eaux-Bonnes et me rendre à Biarritz où j’étais attendue. Je me séparai à regret de Nérine, que sa blessure empêchait de partir. Replongée dans les idées navrantes qui avaient altéré sa santé, elle était attendrie et sérieuse en me disant