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douze ans, pensif et recueilli, dont la brise de la mer soulevait la chevelure bouclée tandis que ses grands yeux noirs contemplaient immobiles le sublime spectacle qui nous saisissait ; sa turbulence ordinaire avait fait place à la rêverie ; il sentait comme nous l’influence de cette splendeur du ciel et de l’Océan. C’était ensuite un parent de la princesse. Homme politique d’un âge mûr ; esprit judicieux, cœur franc, lettré, perspicace ; goûtant peu la nature et la poésie, et qui cependant éprouvait aussi, en cet instant, une absorption involontaire. Quant à moi, j’avais l’âme perdue dans cette immensité ; elle y flottait et s’y assimilait si bien qu’insensiblement j’oubliai mes trois compagnons de route dont la voix se taisait.

La princesse rompit la première le silence :

— Parlez-nous donc, me dit-elle, vous qui avez la faculté de rendre en poésie ces grandes scènes de la nature !

— Je me sens écrasée par celle-ci, répondis-je, essayer de la chanter ou d’en discourir serait la circonscrire ; nos regards qui l’embrassent peuvent seuls la fixer dans notre souvenir, voilà pourquoi nous avons tous instinctivement regardé sans parler ce merveilleux horizon.

— Oui, reprit la princesse ; mais la tristesse nous