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— Aimée ! s’écria-t-il, et il nous exprima la profonde surprise que lui causait toujours ce mot amour. Je n’ai jamais éprouvé d’amour sérieux, ajouta-t-il, que pour une femme allégorique qu’on appelle la patrie.

— Il est un peu fou, me dit la princesse.

— Mais enfin, repris-je, vous avez été le cavalier servant de la petite marquise, racontez-nous ce que vous en savez.

Avec le suprême laisser-aller d’un Oriental qui parle des femmes, il nous fit un récit très-vif que je me garderai bien de reproduire ici.

— Et pourquoi donc ? dira le lecteur déçu qui entrevoyait un complément à cette histoire.

— Pour deux motifs : par conscience et par humilité. Femme, je tiens pour suspect ce qu’un homme me dit des femmes, et n’ayant pu contrôler par moi-même le récit du comte Grégory, je le supprime.

Voilà pour la conscience.

Quant à l’humilité, elle se produisit invincible en moi sous la forme d’une vision.

Le comte Grégory ayant cessé de parler, étira ses bras du côté de la mer que l’obscurité du soir enveloppait déjà de longs voiles zébrés de rayons.