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frontière qui le défie ; grossi par les pluies et par la fonte des neiges, et poussé par le vent de terre, il déplace parfois les masses formidables qui obstruent son passage, mais la mer les ramène quelques heures après. Le flux monte, la rafale souffle du large, les flots déferlent sur la barre avec une fureur retentissante. On ne distingue plus le fleuve de la mer ; c’est un soulèvement et un chaos de sable écumant et liquide, où les galets sous-marins sont lancés par la tempête jusqu’à la crête des flots. Alors nul effort humain ne saurait surmonter l’obstacle et nul vaisseau ne pourrait tenter d’arriver à l’Océan sans être mis en pièces.

Lorsque la mer a été calme durant plusieurs jours et que le cours du fleuve a pu creuser un passage où ses eaux s’écoulent, les vigies font des signaux pour avertir les navires dans l’attente. Ceux-ci accourent rapidement se grouper auprès de la barre ; un canot part du rivage de Boucan, conduit par huit rameurs à chemises rouges ; il s’arrête sur la passe même, et un homme en uniforme, assis au gouvernail, s’assure de l’état de la passe et en mesure la profondeur. Après quoi il jette l’ancre à l’une des extrémités et arbore un pavillon rouge. Aussitôt le remorqueur, dont la force est de cent vingt chevaux, s’avance, conduisant à la file deux ou trois navires ; d’autres