Page:Colet - Les Derniers Marquis - Deux mois aux Pyrénées - 1866.djvu/287

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 273 —

            Où donc la chevelure où s’abritait la tête ?
            Ainsi qu’on voit dans l’herbe une éclatante fleur ;
            Où le sein palpitant quand l’âme était en fête ?
            Où les bras caressants tendus vers le bonheur !

            Rien, plus rien, désormais que le hideux sourire
            Se raillant froidement des heureux et des beaux ;
            Rien que l’orbite creuse et fixe semblant dire :
            Vous descendrez aussi dans l’horreur des tombeaux !

            Fuyons cet ossuaire où se glace la flamme
            Qui brûle dans nos cœurs et jaillit dans nos yeux !
            Oublions le corps vil et ne songeons qu’à l’âme,
            Céleste papillon qui palpite en tous lieux.

            Elle est dans le soleil qui brille sur la rive,
            Dans le flot murmurant, dans le bleu de l’éther,
            Dans la campagne en fleurs et, quand le soir arrive,
            Dans les feux du couchant et les parfums de l’air.

            Elle est dans le regard et le charme invincible
            Qui, nous frappant soudain, nous liera sans retour :
            La terre dissoudra le squelette insensible ;
            Mais l’âme est immortelle et renaît par l’amour.

Le soir, nous allons au Grand-Théâtre, un des plus vastes de l’Europe ; la salle, pourpre, or et blanc, est d’un effet merveilleux, les loges sortent des parois comme des corbeilles à treillis d’or, les femmes parées y remplacent les fleurs. Au dehors, le théâtre est entouré de vastes galeries s’ouvrant sur les plus beaux quartiers de la ville ; par les sereines nuits d’été et d’automne, c’est un enchantement que de se promener sous ces galeries quand le spectacle est fini ; dans