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dont quelques-uns sont encore recouverts de débris de peau, ou plutôt de parchemin noir, est une couche d’ossements brisés et de têtes de morts gisant pêle-mêle. Rien de lamentable comme l’exposition brutale de ces restes du corps humain. Plus que jamais ce spectacle navrant et honteux, cette lente profanation de ce qui fut l’enveloppe de l’âme, me fit souhaiter qu’on en revînt à brûler les morts. Le corps doit disparaître de la terre dès que l’esprit qui l’avait animé s’est enfui.

À l’issue de cette visite à la tour Saint-Michel j’écrivis les vers suivants :

            La tour touchait les cieux, et dans le caveau sombre,
            Les squelettes blanchis, debout étaient rangés.
            À leurs pieds s’entassaient les ossements sans nombre
            Que les vers des tombeaux lentement ont rongés.

            Je regardais ces yeux béants, ces côtes vides,
            Les vertèbres à jour, les fémurs disloqués,
            J’allais interrogeant tous ces spectres livides…
            Mais les morts sont par nous vainement évoqués.

            Pas un ne me disait le secret de son âme ;
            Il n’était resté d’eux que la hideur du corps ;
            Dans ces os où chercher la grâce de la femme ?
            De l’homme où retrouver les muscles fiers et forts ?

            Renversés et pliés comme des branches sèches
            Sous le genou du Temps, robuste bûcheron,
            Que sont-ils devenus ? où sont les lèvres fraîches ?
            Où donc l’éclat des yeux et la splendeur du front ?