Page:Colet - Les Derniers Marquis - Deux mois aux Pyrénées - 1866.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 16 —

tesse Almaviva : on sentait en lui toutes les vagues aspirations et tous les tressaillements de l’adolescence. Son esprit était cultivé, son cœur ardent ; il avait parfois dans ses manières une distinction native ; mais tout cela était paralysé par la difformité de ses traits, par la gaucherie de son corps, et surtout par quelque chose d’indécis et d’incomplet provenant de l’éducation des prêtres. Hardi par la pensée, il était d’une timidité craintive pour l’action et commettait d’irréparables inconvenances par cette timidité insurmontable, qu’il devait à la règle et à la discipline qui l’avaient plié enfant ; nous le verrons bientôt à l’œuvre.

Je m’aperçus que je le blessais en raillant un peu ses maîtres.

— Mes réflexions, lui dis-je, ressortent pourtant de vos confidences ; si vous êtes content de ce qu’on a fait de vous, n’en parlons plus.

— Vous êtes dure pour ce pauvre enfant, me dit Nérine en le regardant avec bonté ; voyons, qu’est-ce qu’il vous manque et que désirez-vous ?

— Je veux être aimé, répondit audacieusement l’écolier en s’emparant avec ardeur de la main de Nérine qu’il porta à ses lèvres.

Elle laissa tomber le crayon qu’elle tenait, et se renversant sur son fauteuil, elle fut prise d’un éclat