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dit l’écolier en se rasseyant ; car la voix de Nérine produisait sur lui un effet électrique ; cette cousine s’est tellement moquée de moi au château de mon oncle et m’a tellement molesté dans ses petits jeux, que je la déteste. Vous verrez sa physionomie de vipère ; on la trouve jolie, mais je suis sûr qu’un diable habite dans ce corps féminin.

— Voilà bien une idée de séminariste ! repartis-je.

— Allons, reprit Nérine, ne le tourmentez plus.

Et pour l’intéresser sans l’irriter, elle se mit à lui parler de ses voyages en artiste et en poëte. Il l’écoutait, ravi.

À mon tour je le questionnai sur ses études ; son instruction était solide, mais ses lectures avaient été circonscrites aux auteurs classiques : il raillait maladroitement les autres sans les connaître, et par moments je me disais que son oncle avait raison et que c’était un petit cuistre aussi ennuyeux à écouter que désagréable à regarder. Lui, pourtant, paraissait enchanté d’être auprès de nous ; il ne cessait de contempler mon amie, dont le beau cou et la tête inspirée jaillissaient pleins d’éclat d’une robe de chambre en velours noir.

Onze heures sonnèrent à l’horloge de l’hôtel.

— Il faut aller dormir, lui dit Nérine avec le ton d’une mère qui envoie coucher son enfant.