Page:Colet - Les Derniers Marquis - Deux mois aux Pyrénées - 1866.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 27 —

que nous voyons aujourd’hui, elle jaillissait fumante de la roche de l’Espérance, dont les flancs et le sommet étaient revêtus d’arbres. Les lèvres inspirées de la princesse poëte buvaient à même de la naïade bienfaisante sans qu’un garçon en tablier blanc rinçât son verre et lui mesurât sa ration.

D’autres fois, à propos d’une promenade dans quelque gorge sauvage, Nérine nous parlait de la chanson de Roland, cette merveilleuse épopée française du xie siècle. — Les courtes descriptions des vallées des montagnes et des gaves des Pyrénées qui sont çà et là dans cette poésie guerrière, nous disait-elle, attestent la vérité des peintures toujours fraîches et immortelles des grands poëtes. Aujourd’hui comme au temps de Roland, nous retrouvons « l’herbe verte où coulent les torrents ; les longues vallées où le son pénètre et se répercute ; les ténébreux défilés au bord des gaves rapides, et ces rochers de marbre d’où le Sarrasin épiait le héros français mourant. » Homère ainsi a décrit quelques rivages, quelques collines de l’Asie Mineure avec une telle précision que, l’Illiade ou l’Odyssée en main, le voyageur les reconnaît encore aujourd’hui.

C’est ainsi que de la causerie la plus simple, Nérine faisait toujours jaillir soit un aperçu d’art, soit un souvenir historique, soit un sentiment, soit une