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étourdissantes ; l’après-midi elle proposait des promenades faciles en calèche, et chargeait l’écolier et M. Routier d’y entraîner le jeune Milanais ; le soir elle se mettait au piano et lui jouait les airs de Rossini, de Bellini et de Verdi qu’il préférait ; à table, elle lui offrait des mets sucrés, préparés par sa femme de chambre ; d’autrefois du gibier que son mari avait tué à la chasse ou bien des truites qu’il avait pêchées, ou bien encore des champignons qu’il allait chercher dans les rochers ; le marquis Sigismond aimait ces distractions innocentes, et la rusée marquise l’y poussait chaque jour ; elle lui avait persuadé que le grand air et le mouvement incessant étaient indispensables à sa santé et au maintien de son appétit ; or, comme manger était la souveraine volupté du marquis, il suivait en aveugle les conseils de sa femme.

Tandis qu’il s’en allait à travers les vallées ou restait des heures entières au bord des torrents, une ligne à la main, elle s’établissait dans le vaste salon de l’hôtel de France où l’Italien demeurait une partie de la journée étendu. La vertueuse et modeste madame Routier sauvegardait Aglaé contre les railleries des habitants de l’hôtel en s’asseyant parfois auprès d’elle, un ouvrage de tapisserie à la main ; mais fine et souple comme une bourgeoise qui veut plaire à