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journées, l’Italien, Aglaé et madame Routier y faisaient de longues haltes. La petite marquise variait à l’infini ses toilettes recherchées : le matin c’étaient les plus délicieux peignoirs en mousseline imprimée dans toutes les nuances, et des chapeaux Diana-Vernon aux ailes retroussées où se jouaient tantôt de longues plumes ou des traînées de fleurs grimpantes.

Elle avait un certain goût d’ajustement, non pas le grand goût, mais celui d’une élégante de la Chaussée d’Antin ; l’après-midi c’étaient des robes en taffetas ou en grenadine à trois, cinq, sept et neuf volants d’une circonférence incommensurable ; des mantelets de dentelles noires ou blanches, des chapeaux en paille de riz ou en crêpe, une explosion de tout le luxe enfoui à Amiens durant neuf mois de l’année ; toilettes ruineuses qui exaspéraient le mari, mais qu’Aglaé se faisait imperturbablement envoyer de Paris par sa mère. C’était, comme on le verra, une femme très-résolue que notre petite marquise. Elle toisa bien vite la nullité de son mari et sut museler sa brutalité. Elle avait sur lui un rare avantage : elle était restée intacte et immaculée à ses yeux et à ceux de tout le département de la Somme, tandis que le pauvre mari, dans sa fougue maladroite, avait eu, même depuis son mariage, plusieurs