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que ce lambeau de phrase monta jusqu’à nous :

— Quoi ! vous me repoussez ?

À ces mots, l’écolier eut un petit éclat de rire de satisfaction que je réprimai d’un regard. L’énorme touffe de fougère où nous nous étions abrités nous cachait si bien, qu’il était impossible que nous fussions vus ; mais on pouvait nous entendre.

Cependant le bel Italien avait fait un effort et s’était levé ; il dit quelques paroles véhémentes parmi lesquelles j’entendis :

— Ne voyez-vous pas que je touche à la mort !

Il voulut faire quelques pas pour s’éloigner ; mais elle, bondissante et furieuse, lui fit un geste impératif avec sa cravache, et s’écria :

— Non pas, non pas ! laissez-moi partir d’abord et ne me suivez point.

Le malade obéit comme quelqu’un qui ne demandait pas mieux que de rester seul et en repos. Nous le vîmes se rasseoir sans même la regarder partir. Elle courait vers les bords du torrent, brisant les jeunes pousses des arbres sous sa cravache sifflante ; elle atteignit le gué, et, sans tourner la tête, elle sauta rapide et légère sur les pierres glissantes ; la traîne de son amazone pendait dans l’eau ; un moment je craignis de la voir trébucher, mais elle toucha comme un trait l’autre rive et s’élança sur un