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milliers des mondes inconnus dont nos yeux découvriront ce soir le scintillement, mon âme s’apaise et prend en dérision les angoisses qui l’ont torturée. Que sont en face de l’immensité nos peines bornées et nos larmes d’un jour !

— Vous êtes sublime, répliquait l’actrice semi-railleuse, ce qui ne m’empêche pas de sentir mes pieds meurtris par la pointe des rochers.

— Nous voici arrivées ! lui cria Nérine, qui nous devançait souriante et forte et qui venait d’atteindre le plateau de la montagne qu’ombrageait le bois de sapins. Certes, un pareil spectacle vaut bien une écorchure au pied, de même que les grandeurs qu’acquiert l’intelligence ne sont pas trop payées par les blessures du cœur.

En parlant ainsi, elle était debout sous les sapins superbes qui faisaient jaillir sur elle, à travers leurs rameaux en pyramides, la lumière rouge du soleil frappant en ce moment d’aplomb au-dessus de leur cime.

Quand nous fûmes parvenues à ses côtés, nous nous sentîmes tout à coup à la hauteur des idées de Nérine ; d’un peu emphatiques qu’elles nous avaient semblé d’abord, elles devenaient simples et naturelles dans ce cadre immense qui leur était si merveilleusement approprié. Nous gardâmes toutes les trois le silence.