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et recommençâmes à gravir le sentier abrupte de la montagne.

À mesure que nous montions et que la magnificence du paysage se déroulait devant nous, le front de Nérine, toujours triste et pensif, s’éclairait pour ainsi dire de la sérénité de l’atmosphère ; la nature seule avait le pouvoir de lui rendre ce calme radieux que les souffrances de la vie lui avaient enlevé. Dans ces moments-là elle était vraiment d’une beauté transfigurée ; son âme, redevenue inspirée et variante, éclatait sur ses traits rajeunis ; elle parlait avec enthousiasme des tableaux grandioses de la création ; elle comparait certains aspects des Alpes et des Apennins qui l’avaient frappée dans ses voyages à ceux que ces monts des Pyrénées étalaient alors sous nos yeux. Sa vive imagination peuplait tout à coup les solitudes diverses qu’elle avait parcourues de quelque scène d’amour ou de patriotisme empruntée aux grands poètes ; elle s’oubliait pour s’identifier avec les beautés de la terre et les grandeurs de l’histoire ; elle participait alors à la vie universelle de la nature et de l’humanité, et transportait sa pensée bien au delà de notre globe circonscrit ; elle nous disait, souriante, en tournant son beau regard vers le firmament :

— Devant ce ciel incommensurable où roulent par