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d’abord craintive et troublée, nous observant à la dérobée ; puis rassurée par notre air de parfaite ignorance et par la mesure que l’écolier avait mise dans ses paroles, elle se raffermit, affecta une sorte de gaîté, parla de la beauté de la cascade qu’elle avait vue et s’efforça même d’être aimable avec Nérine en lui offrant une caille tuée par son mari.

Quand le dîner fut terminé et que l’écolier nous rejoignit dans le jardin anglais où nous respirions l’air, Nérine et moi, il nous dit en ricanant :

— Ma petite cousine enrage ; mais il faut qu’elle avale son chagrin comme les nègres avalent leur langue, sans sourciller ; elle aura beau faire, le roman est fini.

— Contez-moi donc le dénouement ? lui dis-je.

— Je ne veux rien savoir ! s’écria Nérine.

— Permettez, repris-je en entraînant l’écolier, moi je veux tout entendre.

— Elle va se fâcher, balbutia Adolphe en tournant vers Nérine sa pauvre tête attristée. Mais j’avais saisi son bras et je le forçais à me suivre et à parler.

Il m’apprit que, suivant le projet dont j’avais voulu le détourner, il avait rejoint l’Italien, resté étendu au pied d’un arbre après le départ d’Aglaé éperdue, et que celui-ci, avec le laisser-aller d’un mourant et d’un cœur ennuyé, lui avait raconté la