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viii
préface

ment l’héroïne. Or, s’il faut en croire la tradition vénitienne[1], le pauvre docteur Tiberio était fort laid. La beauté a perdu de son prestige dans les sociétés modernes, trop dédaigneuses de la plastique, et les femmes néochrétiennes se font une vertu de préconiser la laideur, comme le rachat de leur chute, toujours produite, prétendent-elles, par l’attrait de l’union des âmes et non par la convoitise des corps périssables. L’antiquité fut plus naïve et plus friande en matière d’amour ; la puissance de la beauté y était reconnue si grande, qu’elle suffisait à justifier l’amour des déesses pour de simples bergers et celui des patriciennes pour des esclaves. Ai-je diminué mon héroïne en lui prêtant un reflet antique ? Pour n’insister ici que sur la question générale de cette attraction foudroyante de la beauté, n’est-il pas évident que les femmes qui s’obstinent à cet idéal charnel et en font une des conditions exclusives de l’amour,

  1. Voir tome Ier, page 248, de l’Italie des Italiens, 4 vol. de l’auteur, en vente à la librairie Dentu.