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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/139

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une longue marche, lui malade, attendri, aimant et cherchant encore dans la passion la vie qui lui échappait ? Il me faisait donc bien peur pour que j’eusse conçu l’idée de cette lâcheté ? Je l’aimais donc ? Hélas ! je n’aimais que l’amour, et en ce moment l’amour c’était lui !…

Cependant, il se mit à ma poursuite comme un insensé. Quand il m’eut rejointe, il s’élança dans la voiture, et secouant mes bras avec une sorte de rage, il me répétait convulsivement :

— Vous ne voulez donc pas m’aimer ?

La voiture avait repris sa course dans les avenues désertes ; un nuage qui passait sur la lune nous plongea dans l’obscurité. Je ne voyais plus le visage d’Albert, mais tout à coup je sentis ses larmes qui tombaient sur mes mains. À son tour il pleurait : j’eus vers lui un élan de tendresse irrésistible.

— Oh ! ne pleurez pas, lui dis-je, je voudrais vous aimer.

— Je comprends votre effort et c’est ce qui me navre, répliqua-t-il. Allez, allez, je sais bien ce qui me manque pour vous attirer et vous le sentez aussi sans vous l’avouer. Vous n’êtes pas coquette et fausse vous ! Non, vous suivez les aspirations de votre nature forte et vivace. Oh ! cela est certain, il y a dans l’amour des lois physiques et impérieuses trop négligées par les sociétés modernes, je suis trop faible, trop grêle et trop vieilli pour vous, belle et robuste ; si j’avais la même âme dans une stature puissante et le même cerveau sous un