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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/144

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image s’interpose entre nous. Vous pensez que de son côté est la bonté et la grandeur, car elle a marché dans la vie pratiquant la charité, se faisant des prosélytes et travaillant avec un patient effort à réhabiliter ses sentiments par ses doctrines : tandis que moi, brisé et blessé à mort, poussé à tous les vents par le désespoir, j’ai déserté l’idéal et accepté pour consolateur la débauche. Aux yeux d’un grand nombre je représente l’égoïsme dégradé ! Rien de généreux ni d’utile ne dirige plus ma vie : comme si un soldat dont un boulet a coupé les deux bras pouvait encore tenir ses armes ! Quant à elle, elle a saisi d’une main agile et résolue le drapeau du socialisme, mot sonore et creux qui laisse une grande élasticité à la morale ; elle s’est fait des partisans parmi les utopistes, dans les écoles et dans la foule ; elle passionne la jeunesse que je ne fais plus que distraire. Même ceux qui la combattent conviennent que le travail incessant et souvent funeste de son esprit est une sorte de moralisation de sa vie. Elle aime ces attestations publiques, cette mise en scène de ce qu’elle nomme ses croyances humanitaires et sa foi dans le progrès. C’est le jargon moderne pour exprimer ce qui s’appelait autrefois la perfectibilité. Ces idées sous une autre forme et dans une juste mesure ne me sont pas étrangères ; je suis de l’avis d’un poëte contemporain qui a dit : « La perfection n’est pas plus faite pour nous que l’immensité, il faut ne la chercher en rien, ne la demander à rien ; ni à l’amour, ni à la beauté, ni à la vertu ; mais il faut l’aimer pour être vertueux,