Page:Colet - Lui, 1880.djvu/154

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 133 —

monde, des grisettes et des courtisanes, qu’on s’enivre de ces nobles amours où l’esprit participe ; on se sent planer, et même dans les bras l’un de l’autre on ne touche pas la terre ; on mêle aux larmes et au rire de la volupté des cris sublimes, et on échange dans des heures bornées toutes les aspirations de l’infini. Cela est si vrai, que lorsqu’une de ces femmes a traversé la vie d’un homme, elle y creuse un sillon de feu : le cœur s’y consume, mais le génie en jaillit.

Vittoria Colonna a fait Michel-Ange ; Mme d’Houdetot, Jean-Jacques ; Mme du Châtelet, Voltaire ; Mme de Staël, Benjamin Constant : je cite au hasard. Un poëte a dit, et c’est là l’expression sérieuse de mon cœur : « Il n’y a pas un peuple sur la terre qui n’ait considéré la femme ou comme la compagne et la consolation de l’homme, ou comme l’instrument sacré de sa vie, et, sous ces deux formes, qui ne l’ait adorée. »

Donc, il est très-vrai que les femmes supérieures nous attirent malgré nous et nous attachent d’un lien plus fort. Le nier serait une fausseté puérile ou un aveu d’infériorité. Mais avec de telles femmes les luttes inévitables en amour se multiplient ; elles naissent de tous les contacts de deux êtres d’égale valeur, et dont pourtant les sensations et les aspirations peuvent être très-diverses. En pareille union, les joies sont extrêmes, mais les déchirements le sont aussi. Les ayant élues au-dessus des autres, nous demandons à ces femmes l’impossible : l’idéal de l’amour. À leur tour, elles nous