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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/160

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ravissaient au réveil. Antonia, alerte et vive, aidait la femme du garde-chasse à préparer notre déjeuner ; puis nous partions pour nos excursions à travers la forêt. Chaque jour c’était une exploration nouvelle de quelque partie inconnue de cette immense étendue d’arbres séculaires. Antonia avait repris, pour faire plus commodément ces longues promenades, un habit d’homme sans prétention ; elle portait une blouse de laine bleue serrée à la taille par une ceinture en cuir noir. Jamais je ne la vis plus belle que dans ce simple costume ; parfois, quand la marche empourprait ses joues veloutées, que son grand œil noir si intelligent s’arrêtait ravi sur un aspect du paysage et que ses cheveux bouclés s’agitaient autour de sa tête comme des ailes d’oiseau, je me précipitais vers elle, je l’arrêtais par une de ses boucles soyeuses que je pressais de mes lèvres et que je serrais entre mes dents ; puis l’attirant ainsi vers moi, je la forçais à tomber dans mes bras.

Ô lits de bruyères embaumées, rayons filtrant à travers les branches, chants d’oiseaux, bruits des vents légers qui faisiez frissonner les feuilles ! Rumeurs lointaines des chasseurs et des bûcherons ! Étoiles qui le soir nous surpreniez dans les anfractuosités des rocs recouverts de mousse, lune claire et souriante qui me montriez sa beauté, vous savez si je l’ai aimée !

Nous étions tellement charmés de nos découvertes toujours nouvelles dans ces grands bois qui paraissaient nous appartenir, que nous résolûmes d’y pénétrer plus avant, d’y passer une journée entière et toute une nuit,