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et coiffée plus coquettement encore ; elle avait piqué dans ses épais cheveux noirs de gros œillets rouges parfumés.

— Préviens la danseuse Zéphira, lui dis-je en lui remettant cette carte, que je ne la reverrai que le jour de tes débuts à la Fénice ; d’ici là, comme elle le sait, je reste auprès d’un parent malade.

— Et moi, signor, ne vous reverrai-je pas ? répondit l’Africaine en me regardant étrangement.

— Toi pas plus qu’elle, fis-je avec humeur comme pour me débarrasser de ces deux obsédantes figures de femmes.

— S’il en est ainsi, caro signor, laissez-moi vous accompagner un peu dans votre gondole, à présent que je suis propre et pimpante, grâce à votre générosité. J’ai quelque chose à vous dire.

— Et moi je ne veux pas t’entendre, répliquai-je et je disparus sous les arcades, en lui lançant brutalement un louis à la face. Comme je tournais la tête, à l’un des angles de la place, je l’aperçus qui pleurait.

Je me mis à maudire toutes les femmes, leur influence fantasque, harcelante et incessamment incompatible avec le repos de l’homme ; en pensant ainsi je rejoignis ma gondole, je m’y étendis tout de mon long et j’ordonnai aux gondoliers de me conduire au large et de faire le tour du fort Saint-Andrea ; les vagues me berçaient mollement, la tente close et noire de la gondole m’enfermait comme les rideaux d’un lit ; ces mêmes figures de femmes, dédaignées tantôt, repassaient gra-