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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/220

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elle parut m’écouter avec intérêt et lorsqu’elle me vit prêt à sortir, elle me dit :

— Reviendras-tu souper ce soir ?

— Oui, répondis-je, si après tu consens à te promener un peu au loin ; nous irons à Saint-Nicolas du Lido.

— Encore ! répliqua-t-elle avec impatience, tu ne peux donc pas attendre que je sois délivrée du poids de mon cerveau.

— J’attendrai tant qu’il te plaira, repris-je en affectant une indifférence par laquelle j’espérais faire naître sa jalousie et réveiller son amour.

Mais non, elle reprit sa pose impassible en me regardant partir et comme je montais en gondole, je la vis à la fenêtre fumant avec tranquillité.

Je me trouvais bête et décontenancé ; je me demandai à quoi me servaient mon imagination et ma jeunesse si elles étaient sans pouvoir sur la volonté de cette femme obstinée. Je me promis bien, du moins de ne plus donner à son paisible orgueil le spectacle de mon agitation, et je me jurai de renfermer mes angoisses sous la double dignité du calme et du silence. Mais quand le cœur en arrive à cette contrainte que devient l’amour ?

Tout entier à mes sensations personnelles, je n’avais pas songé à traverser la place Saint-Marc pour remettre à la pauvre danseuse ma carte sur laquelle j’avais écrit l’adresse de Zéphira. Je me reprochai mon oubli et revins sur mes pas ; je trouvai la brune enfant à sa place accoutumée, vêtue comme la veille, de sa robe neuve