— Sans aucun doute, dit le Vénitien, puisque nous sortons ensemble de chez le costumier.
— Ah ! bravissimo ! répondit la danseuse ; mais il fallait l’amener ici.
— Non, repartit Stella avec finesse, il faut qu’il te voie dans tout ton éclat. Tu t’agites trop depuis quelques jours ; tu pâlis et maigris : suis un conseil d’amie, va te baigner et faire la sieste jusqu’à ce soir ; les roses de ton teint reviendront et tu seras irrésistible.
— Suis-je donc si laide ? fit la danseuse en minaudant et en se plaçant devant une glace ; tu as raison, j’ai l’air d’un spectre, et mieux vaut que le signor Francese ne me voie pas ainsi.
Je la regardai en soulevant un peu le rideau qui me cachait à l’autre bout de la galerie ; elle me parut pâle et flétrie, et sa mante de taffetas noir, en s’entr’ouvrant, me laissa voir sa maigreur.
— Tu es une amie sincère, dit-elle à Stella en l’embrassant ; adieu, je vais dormir jusqu’à la nuit.
Quelques minutes après, nous entendions le bruit des rames de la gondole qui l’emportait.
— Nous voilà libres, s’écria la prima donna en se mettant au piano ; et, tandis que son amant et moi fumions des cigarettes, elle nous chanta tour à tour les airs les plus dramatiques de ses rôles, puis quelques piquantes barcarolles vénitiennes. Elle fut lasse de chanter avant que nous fussions las de l’entendre.
Sur son ordre, un domestique, plaça devant elle une