comte Luigi ; j’avais animé ce marbre, je lui avais donné toutes les ivresses de la chair.
La vibration durait encore lorsque la vie m’échappa tout à coup. Tiberio, lui, était apparu dans sa beauté, sa nouveauté et sa jeunesse, comment m’étonner qu’il eût été aimé ? — Ils s’aimaient donc ! et une sorte de certitude s’emparait de mon cœur et le serrait comme un écrou.
Il y aura toujours entre deux êtres qui vivent dans l’intimité un horrible doute, même dans l’enivrante et suprême étreinte ; c’est qu’aucun des deux ne peut voir à nu la pensée mystérieuse de l’autre. De là le divorce secret dans l’union apparente.
Je passais mes jours et mes nuits à analyser et à décomposer Antonia. Je l’épiais dans toutes ses actions ; quand Tiberio était là, je feignais toujours de dormir ou d’être distrait, pour découvrir quelque indice. Mais ce fut en vain ; je ne surpris plus rien qui pût me convaincre.
Un jour Antonia m’annonça l’arrivée d’un de mes amis de France.
— Qu’il vienne ! m’écriai-je, comme en tendant les bras à la patrie. Je vis entrer Albert Nattier ; je poussai une exclamation de bonheur, c’était ma jeunesse insoucieuse qui m’apparaissait.
Ma propre émotion m’empêcha de m’apercevoir de la sienne, qui fut douloureuse mais contenue ; il refoula quelques larmes en voyant la maigreur et la lividité de