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qu’elle en sera lasse, elle le quittera comme elle t’a quitté.

— Non, elle lutte encore, et me reviendra peut-être sans avoir succombé. — Je me souviens que je prononçai ces mots sur la place de la Concorde ; c’était le soir, nous marchions lentement, et en cet instant un réverbère éclairait le visage d’Albert ; j’y lus un sourire sardonique qui me navra.

— Que sais-tu donc sur elle, lui dis-je, en lui secouant le bras.

— Je sais que si tu la revois jamais je ne te reverrai plus, moi qui t’aime, car je ne veux pas que tu sois berné comme un Géronte, toi jeune, élégant, célèbre, et qui en définitive as le droit de quitter et non d’être quitté.

Il avait en amour les maximes du monde qui s’inquiète peu de la passion tyrannique et se préoccupe avant tout que la vanité soit sauvegardée. En me parlant ainsi il fit une pirouette et voulant se dérober à toutes mes questions, il s’élança dans un cabriolet qui passait.

Le lendemain j’allai chez lui pour lui demander une explication ; on m’apprit qu’il était parti pour l’Angleterre où il devait rester trois mois.

Je n’avais pas le courage de chercher à m’étourdir par le travail, mais le bon René, qui était dès lors mon ami, vint me voir sitôt qu’il apprit mon retour et m’engagea à publier ce que j’avais écrit en Italie ; je lui lus un drame, un petit roman et quelques poésies.