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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/301

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n’étaient plus que l’aiguillon qui me faisait à toute heure sentir ma blessure.

J’avais retrouvé Albert Nattier à Paris ; il fut radieux de me revoir.

— Enfin, te voilà libre ! s’écria-t-il gaiement.

— Libre et seul, répliquai-je.

— Et c’est de quoi je te félicite : ne la regrette jamais.

— Est-ce qu’on est le maître de déposer sa douleur et de changer de sentiments comme on change d’habits ? lui dis-je ; je m’étais fait à l’aimer.

— Tu es trop fier et trop frondeur pour rester le jouet d’une illusion, reprit-il.

— Mais, répliquai-je, elle était encore la meilleure et la plus grande des femmes ; ceci était bien une réalité ; si je n’ai pas su garder son amour, c’est ma faute ; j’aurais dû la disputer à ce bellâtre de Tiberio ; un stupide orgueil m’en a empêché. Que puis-je lui reprocher ? Elle a été avec moi tendre et sincère.

À ce dernier mot, Albert Nattier éclata de rire.

— Tu deviens pleurnicheur comme une élégie de Lamartine, s’écria-t-il, et tu me fais l’effet d’un mari trompé qui s’attendrit en racontant ses malheurs. Allons, allons, appelle l’ironie à ton aide, c’est le meilleur baume à jeter sur ces blessurea-là.

— Que fait-elle à cette heure ? murmurai-je sans l’écouter.

— Et, parbleu, elle se divertit avec Tiberio, et lors-